lundi 6 mars 2017

Tin Machine



On a longtemps vilipendé, brocardé, conspué Bowie pour s'être compromis dans cet étrange et sulfureuse expérience musicale, échappant à tous les genres musicaux, sacrifiant l'ego sur-dimensionné de la star au profit du groupe, et pour laquelle il m'advint néanmoins de trouver une étiquette assez correcte à mon sens : celle de Trash Blues.
On a longtemps — mais comme on le sait tous, "on" c'est con — refusé d'admettre ce que des générations futures qualifieront probablement de plus grand trait de génie du maître Bowie, libéré du poids de son nom sur la pochette et dandy déjanté tel qu'il pouvait l'aimer tout en se réinventant, touchant peut-être avec Tin Machine à la version la plus aboutie de son concept du poète maudit, lorsque l'extravagance n'est plus dans les sapes, alors que le costard noir se substitue à toutes les paillettes, mais plutôt dans l'electrical juice que conduit la folie paroxystique en cette forme d'expression rock.
On trouve en Tin Machine une variation sur l'art de s'écorcher vif avec des strings de gratte, ou de se fouetter au fouet du batteur, et de plonger dans ce spleen exubérant de sa noirceur qui soulage ; on puise en Tin Machine une énergie moderniste équivalente à celle d'une industrie métallurgiste, entreprise un peu sadique et parfait reflet déformant de notre univers contemporain ; Tin machine offre à Bowie le champ d'un exutoire absolument débarrassé de limites et de conventions, de tabous et d'ostentations, de cultes et de dogme, une église antéchristique où la fin du monde a son groove inimitable, afin de nous inviter à danser sur elle.
À l'époque où j'ai rencontré cette expérience éternellement tatouée, je voulais juste un son, un son totalement impur qui décrive enfin la folie pure où je retrouvais Bowie. Je voulais juste instrumenter la transsubstantiation de l'âme dans le Rock'n'roll, et le désir de la beauté réitéré dans son extra-lucidité.
Pour peu que Jésus ne fut qu'un concept, en matière imaginaire, un chanteur s'est empeaucé de sa carcasse infiniment sanglante. Ouais ! En écoutant "Under the God" ou mieux encore "Heaven's in here", alors je me dis : là, bienvenue dans sa Jérusalem céleste !

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